Dans cet ouvrage, l’historien et enseignant Fabrice Riceputi retrace le combat mémoriel du crime d’Etat du 17 octobre 1961 qui s’inscrit dans une long processus de reconnaissance des crimes racistes perpétrés sur les populations issues de l’immigration.


Ce 17 octobre 1961, à Paris et dans sa région, des dizaines de milliers d’Algérien·nes manifestent pacifiquement contre le couvre-feu raciste qui leur est imposé par le préfet de police Maurice Papon. La répression policière est inouïe : 11000 personnes sont raflées et emmenées dans des camps improvisés et une centaine d’Algérien·nes au moins sont tué·es et jeté·es à la Seine. Seulement, ce massacre, qui s’inscrit dans le contexte de la guerre d’Algérie (1954-1962), a longtemps été passé sous silence. La version officielle fait état de 2 morts.
Dès les années 1960, plusieurs associations anti-racistes se sont mobilisées pour faire reconnaître le crime colonial et le mensonge d’Etat en demandant l’accès aux archives, la création d’un lieu de commémoration de ce massacre et son enseignement à l’école. Mais c’est seulement dans les années 1980 que le scandale éclate véritablement dans l’opinion publique, lorsque Jean-Luc Einaudi, un éducateur et « citoyen chercheur », mène une enquête sur ce massacre. Cet ouvrage raconte comment l’accès aux archives de Paris et de la préfecture de police a été verrouillé et comment la République française a longtemps nié l’implication de la police parisienne dans ce massacre pour ne pas salir la mémoire de Charles de Gaulle.
On comprend qu’au-delà du processus de reconnaissance du 17 octobre 1961, c’est en fait une véritable bataille de la mémoire qui se joue encore aujourd’hui. Une part croissante de la population exige le rétablissement de la vérité concernant l’histoire de la colonisation française, l’esclavage et le racisme systémique. Mais ce mouvement populaire se heurte à la droite et l’extrême droite qui défendent les vertus « civilisatrices » de la colonisation et hurlent à l’« islamogauchisme », au « communautarisme », au « séparatisme », au « racisme anti-blanc » et à « l’antirépublicanisme ».
L’enjeu est essentiel : il s’agit de faire reconnaître l’idéologie raciste qui est aux fondements de la République française, au même titre que l’héritage du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Ce n’est que lorsqu’on aura reconnu et accepté notre histoire collective, tant dans ses aspects lumineux que dans ses recoins les plus sombres, qu’on pourra mettre fin aux oppressions et faire société.
Voilà une lecture édifiante que je vous conseille vivement !


Lysiane, libraire alterlibriste